La retraite à 65 ans, une injustice (CFDT 22 mars 2022)

Par Jérôme Citron— Publié le 22/03/2022 à 14h00

En affichant sa volonté de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, le candidat Macron fait peser les économies réalisées par cette mesure sur les personnes qui ont commencé à travailler tôt. L’idée d’une grande réforme du système en vue de le rendre plus juste semble totalement enterrée. Un gâchis.

Chat échaudé craint l’eau froide… En matière de retraite, le revirement d’Emmanuel Macron, entre le temps où il était candidat à la présidentielle de 2017 et l’actuel candidat de 2022, est spectaculaire. Très ambitieux en 2017, affichant sa volonté de transformer en profondeur le système (par la création d’un système unique, la prise en compte de l’ensemble de la carrière, etc.), il se contente aujourd’hui d’annoncer une réforme paramétrique à la fois classique et injuste : le décalage de l’âge minimal de départ, qui passerait progressivement de 62 à 65 ans.

Comme le dénonce la CFDT depuis des années, le report de l’âge minimal de départ sans toucher à la durée de cotisation minimale ni à l’âge de départ sans décote (aujourd’hui variant de 65 à 67 ans) revient à faire porter l’effort en matière de retraite aux personnes qui ont commencé à travailler jeunes et qui avaient donc la possibilité de faire valoir leurs droits à pension dès 62 ans. Rappelons que la durée de cotisation minimale à partir de la génération née en 1973 est de quarante-trois ans.

Cette réforme doit s’appliquer progressivement puisqu’il est prévu un décalage de quatre mois par an. Ainsi, la génération née en 1969 serait la première à redécouvrir la retraite à 65 ans comme âge de départ minimal. Il s’agit donc d’une transition plutôt rapide (d’une durée d’environ une décennie) censée offrir au système une économie de plusieurs milliards d’euros. Et dans le souci de ne pas perdre de temps, le candidat Macron annonce une loi dès cet été.

Pour mieux faire passer la pilule, l’actuel président de la République promet quand même plusieurs contreparties. Le minimum contributif (niveau minimal de pension pour une carrière complète) serait fixé à 1 100 euros, le dispositif de cumul emploi-retraite serait facilité (une mesure taillée pour les médecins et les cadres supérieurs, qui pourraient ainsi acquérir de nouveaux droits à la retraite même après avoir liquidé leurs droits originels), la possibilité de retraite progressive serait favorisée, il existerait un nouveau dispositif carrières longues, une concertation sur la pénibilité et l’invalidité aurait lieu… « Jusqu’à présent, les annonces sont très déséquilibrées, remarque Frédéric Sève, secrétaire national à la CFDT chargé du dossier des retraites. D’un côté, nous avons un report abrupt de l’âge de départ ; de l’autre, des promesses plutôt vagues de dispositifs d’accompagnement. »

L’objectif affiché d’une telle décision reste de faire des économies en augmentant en moyenne la durée de cotisation des travailleurs. L’idée sous-jacente (même si elle n’est pas strictement formalisée de la sorte) est de décaler de trois ans tous les dispositifs – un peu à l’instar de ce qui s’était passé lors du passage de 60 à 62 ans sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Reste que l’on peut se demander si les économies attendues seront au rendez-vous.

Les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR) montrent que tout report de l’âge de départ a un coût pour les finances publiques puisque les travailleurs qui ne sont plus en activité vers la fin de leur carrière sont pris en charge par d’autres organismes. Le décalage de l’âge de départ à la retraite engendre incontestablement des coûts pour lesdits organismes. Le COR a d’ailleurs montré qu’en travaillant davantage, les personnes accumulent plus de droits mais ceux-ci ont également un coût pour le système. Décaler l’âge de départ à la retraite permet sans conteste de faire des économies, mais pas forcément au niveau des montants annoncés. L’intérêt financier de cette réforme dépendra finalement beaucoup de l’évolution de l’état du marché du travail et du taux d’activité des seniors.

Une réforme très pénalisante pour nombre de travailleurs

« Repousser l’âge légal de départ à la retraite, ça pénalise les travailleurs aux carrières les plus hachées, ceux qui ont les métiers les plus pénibles. C’est brutal parce que ces personnes ne sont pour la plupart plus en emploi au moment où elles liquident leurs droits à la retraite », insiste Laurent Berger, qui regrette que cette volonté de reculer l’âge de départ refasse surface (ce projet figure également dans le programme de Valérie Pécresse) alors qu’il n’y a pas de réelle nécessité économique.

Signe que le candidat Macron considère cette réforme comme une simple mesure comptable, il laisse entendre qu’une véritable réforme des retraites devra être lancée en parallèle afin d’aller vers un régime unique, mais sur ce sujet, il compte se donner du temps et évoque même une possible clause du grand-père. Pour résumer, il envisage une loi dès l’été qui ferait passer l’âge de départ de 62 à 65 ans et ainsi dégager des marges de manœuvre financière pour ensuite œuvrer à la mise en place d’un nouveau régime concernant les générations qui arrivent sur le marché du travail. Évidemment, il y a là de quoi s’attirer un peu plus l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales sur ce sujet toujours aussi clivant.

À PROPOS DE L’AUTEUR Jérôme Citron rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

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