Agences de programmes : « Si nous avons un peu d’argent à gérer, c’est bien. Beaucoup d’argent, c’est encore mieux » (A. Petit) (AEF 12 juillet 2023)

« Ma lecture du rapport Gillet est que cette notion d’agence de programmes ne va pas remplacer les missions actuelles du CNRS, mais s’y ajouter », déclare Antoine Petit, PDG de l’organisme, lors d’une audition devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, mercredi 28 juin 2023. « Même s’il faut bien comprendre ce qu’il y a derrière les mots, je pense que le CNRS est bien placé pour jouer ce rôle », estime-t-il par ailleurs tout en s’interrogeant sur les moyens financiers alloués. Antoine Petit revient également sur la question des fonctions support du CNRS.

« Le rapport Gillet vient d’arriver et n’engage que ceux qui l’ont écrit. Néanmoins, il y a des éléments de bon sens qui font l’unanimité, comme le fait de mieux accompagner les jeunes chercheurs. Il préconise également de simplifier, oui, mais cela fait 40 ans que je n’entends parler que de cela. Personne ne se lève le matin en se disant qu’il va essayer de complexifier la vie de ses collègues », pointe Antoine Petit, PDG du CNRS. Il s’exprime lors d’une audition devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, mercredi 28 juin 2023, durant laquelle il est venu présenter, accompagné de tous les directeurs et directrices d’instituts thématiques, l’activité du CNRS.

AGENCE DE PROGRAMMES : « TOUT DÉPEND DES MOYENS »

« Ma lecture du rapport Gillet est que cette notion d’agence de programmes ne va pas remplacer, mais bien s’ajouter, aux missions actuelles du CNRS », assure Antoine Petit. « Le CNRS a la mission d’être un employeur de 32 000 personnes, d’être un opérateur de recherche avec plus de 1 000 laboratoires mais aussi un opérateur d’infrastructures de recherche », rappelle-t-il. « Le rapport préconise d’ajouter une quatrième mission, celle d’agences de programmes. Même s’il faut bien comprendre ce qu’il y a derrière les mots, je trouve cela intéressant et je pense que le CNRS est bien placé pour jouer ce rôle », estime Antoine Petit.

« Je vais être un peu trivial mais cela va aussi dépendre de ce qu’on va y mettre en termes de moyens », tempère le PDG du CNRS. « Si nous avons un peu d’argent à gérer, c’est bien. Beaucoup d’argent, c’est encore mieux. En revanche, si nous n’avons rien à gérer, nous allons rapidement nous épuiser », prévient-il. Toutefois, « il me semble important que la France mette en place une politique nationale sur les grands sujets ».

Antoine Petit revient également sur la relation entre le CNRS et les autres organismes de recherche qu’il juge « très bonne ». Il cite notamment le pilotage des PEPR comme illustration de cette bonne entente. « Pour autant, est-ce qu’il y a parfois de la concurrence ? » interroge le PDG de l’organisme. « La réponse est oui mais la recherche est une forme de concurrence et d’émulation », relève-t-il. « Au sein même du CNRS, des laboratoires peuvent travailler sur des sujets proches. Le tout est de savoir ce que chacun fait ». « Nous discutons mais pendant ce temps-là, les Allemands et les Chinois avancent », alerte Antoine Petit. « La recherche n’est pas un jardin à la française, il faut accepter cette concurrence », insiste-t-il.

LA SANTÉ EN QUESTION

Interrogé par un député sur une possible fusion entre l’Inserm et l’Institut des sciences biologiques du CNRS, Antoine Petit réfute cette idée. « Je ne veux pas me séparer de cet institut, la réponse est non. »

« Si nous n’étions pas filmés, je dirais que le CNRS fait plus de santé que l’Inserm et je me fâcherais avec Didier Samuel », plaisante le PDG du CNRS. « L’Inserm a une proximité avec les hôpitaux que nous n’avons pas et il y a beaucoup d’interactions à mettre en place sur l’ensemble des domaines entre nos deux organismes », considère-t-il.

ATTRACTIVITÉ ET ENVIRONNEMENT SCIENTIFIQUE

Enfin, Antoine Petit aborde la question de l’attractivité de la recherche. « C’est un vrai sujet et le point principal concerne le salaire. Grâce à la LPR, ceux qui entrent à l’université ou au CNRS sont payés au moins deux fois le Smic. C’est mieux qu’avant mais ce n’est quand même pas le Pérou quand on a un bac+12 », pointe-t-il.

« Pour les chercheurs, le marché du travail est mondial, il faut en être conscient. Si on vous propose 6 000 euros à Genève contre 2 000 euros à Grenoble, vous allez réfléchir », poursuit le PDG du CNRS qui rappelle qu’aucun lauréat de la médaille Fields n’exerce en France.

Il estime néanmoins « que le salaire n’est pas tout », arguant que « l’environnement scientifique est également essentiel ». Antoine Petit cite les packages d’accueil, qui permettent aux chercheurs de monter des équipes et d’aller chercher ensuite de l’argent dans les appels à projets. « Ces packages ne font pas partie de notre culture. Certes, aujourd’hui les CPJ proposent 200 000 euros mais d’autres pays offrent 1 million », compare Antoine Petit.

UN TURN-OVER IMPORTANT SUR LES FONCTIONS SUPPORT

Antoine Petit évoque la publication du livre blanc « Entraves administratives à la recherche« , du conseil scientifique du CNRS, en juin 2023 (lire sur AEF info). Il rappelle que le document a été « très mal accueilli par les personnels d’appui à la recherche qui essaient pourtant au quotidien de fluidifier les choses ». « Je me désolidarise, non pas du fond, car le livre blanc pose de vraies questions, mais bien de sa forme particulièrement maladroite que je regrette car elle empêche de parler du fond du sujet, avec un effet totalement contre-productif. »

Antoine Petit réaffirme ainsi « la totale confiance du CNRS envers tous les agents des fonctions support ». « Le coût de la vie est trop cher en Île-de-France pour les salaires des fonctions supports et il y a une concurrence, pas très saine, avec les fonctionnaires des collectivités territoriales », déplore le PDG du CNRS. « Ainsi, il y a un turn-over important sur ces postes qui nous interpelle et qu’il va falloir traiter », assure-t-il. Il rappelle que depuis 10 ans, « le CNRS a perdu 10 % d’emplois sur la SCSP, alors que dans le même temps la part de la masse salariale est passée de 80 à 84 % ». « Il faut faire attention à cette question car elle s’inscrit dans le temps long », note Antoine Petit.

« Le taux de prime moyen des chercheurs du CNRS est de 5 % contre 65 % pour les cadres de la fonction publique », chiffre par ailleurs le PDG de l’organisme. « Il y a donc des marges de manœuvre possible mais cela nécessite des choix politiques forts. »

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