Liberté d’expression des fonctionnaires

La liberté d’expression est l’un des piliers de notre démocratie.

Elle est protégée comme principe fondamentale des lois de la République par la {{Constitution}} en référence à nos textes fondateurs.

La {{déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789}} prescrit que :
– Art. 10.: Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
– Art. 11. : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

La liberté d’expression est aussi garantie par la {{Convention Européenne des Droits de l’Homme}} qui prévoit que :
– Art. 10.: « 1/ Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (…) »

Tout fonctionnaire bénéficie de cette liberté d’opinion et d’expression comme n’importe quel individu. Contrairement à une idée répandue, le fonctionnaire conserve sa liberté d’opinion et d’expression.

La {{loi n° 83-634 du 13 juillet 1983}} portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que :
– Art. 6. : La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires.

Le devoir de réserve, invoqué parfois par des instances administratives, est une notion floue. Aucun texte ne le prévoit ni ne le définit. La loi de 1983 précitée n’en fait aucune mention.
_ Or, ce devoir de réserve dépasse très largement les limites que la loi pose à la liberté d’expression (interdiction d’injure publique, de diffamation publique, de provocation à la haine, etc…) puisqu’il empêche la critique de politiques publiques ou la dénonciation du comportement d’un supérieur hiérarchique.
_ Ce devoir de réserve est plus ou moins étendu aux agents publics selon la nature des fonctions occupées et le rang hiérarchique.
_ Certains corps sont soumis à une obligation de réserve renforcée (militaire, policiers, magistrats), tandis que d’autres, comme les chercheurs, en sont exempts.

En particulier, les chercheurs disposent d’une protection renforcée en matière d’expression publique.

Le {{code de l’éducation}} prévoit que :
– Art. 952-2. : Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité.

Le {{Conseil Constitutionnel}} dans une décision n° 93-322 du 28 juillet 1993 rappelle la protection particulière des chercheurs : « 7° Considérant d’autre part que le statut des établissements d’enseignement supérieur ne saurait limiter le droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que dans la seule mesure des exigences du service public en cause ; que par leur nature, les fonctions d’enseignement et de recherche exigent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs soient garanties ; qu’en ce qui concerne les professeurs, la garantie de l’indépendance résulte en outre d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République ».

La loi et la Constitution renforcent la liberté d’expression du chercheur afin d’empêcher toute ingérence du pouvoir.
_ Cette liberté d’opinion et d’expression renforcée est antinomique à une quelconque soumission à un devoir de réserve. Ce concept totalement flou assujettirait le chercheur à une déférence que son statut doit lui interdire et l’obligerait à répondre de ses propos alors qu’il doit disposer de la plus grande liberté.

Dès lors, l’administration ne doit pas être juge des propos tenus par un chercheur quels qu’ils soient.

Ce qui ne veut pas dire que le chercheur dispose d’une immunité. Tout chercheur, tout fonctionnaire, peut être poursuivi pénalement s’il a commis une infraction. Mais seul un tribunal, constitué de magistrats, peut fixer les limites de l’expression du fonctionnaire, et non l’administration ! En cas de condamnation, l’administration est alors libre d’en tirer toutes les conséquences disciplinaires.

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