Retraites : la concertation s’engage

Les partenaires sociaux sont reçus au ministère du Travail pour une première réunion de calage le 5 octobre. Le gouvernement annonce trois mois de discussions, un projet de loi début 2023 et un vote final d’ici à la fin de l’hiver. Un calendrier particulièrement serré pour les organisations syndicales, qui comptent se faire entendre.

Par Jérôme Citron— Publié le 04/10/2022 à 14h00

C’est parti. Après avoir envisagé de passer en force en réformant les retraites sans débat par un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), et de détendre le calendrier afin d’ouvrir un dialogue avec la société, l’exécutif a fini par trancher pour un entre-deux. Il y aura bien une loi sur les retraites et une phase de concertation, mais dans un timing extrêmement serré. Si tout peut encore évoluer en fonction des évènements, le plan concocté par le gouvernement est aujourd’hui on ne peut plus cadencé.

La méthode dévoilée

La phase de discussions avec les partenaires sociaux est prévue pour durer trois mois, soit jusqu’à la fin de l’année 2022. La première rencontre aura lieu le 5 octobre au ministère du Travail avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Le gouvernement va alors annoncer comment il entend mener concrètement cette concertation. Au menu des réjouissances, trois grands blocs, examinés successivement.

Tout d’abord, un premier autour de l’emploi des seniors, la pénibilité et le cumul emploi-retraite. Un deuxième bloc de discussion devrait suivre pour parler catégorie active, régimes spéciaux, minimum contributif et fonction publique. Enfin, un troisième bloc consacré aux mesures paramétriques (âge de départ et/ou durée de cotisation) et à la gouvernance du système viendrait conclure les discussions. Les organisations syndicales devraient, sur chacun de ces thèmes, être reçues séparément. Et le tout se conclurait par une dernière rencontre avec l’ensemble des acteurs.

Une fois cette phase de discussions passée, le gouvernement entend déposer un projet de loi début 2023 pour une adoption « d’ici la fin de l’hiver », selon les propres mots du ministre du Travail, du Plein-emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt. Officiellement, l’objectif du gouvernement est toujours d’instaurer un report progressif de l’âge de départ minimal de quatre mois par an, aboutissant à 65 ans en 2031. Et les premières mesures de cette réforme entreraient en vigueur dès l’été 2023.

Un calendrier serré

Si la CFDT a immédiatement fait savoir qu’elle participerait aux discussions, elle pointe en même temps la difficulté de tenir un tel calendrier et attend du gouvernement qu’il se laisse des marges de manœuvre si le besoin se faisait sentir d’approfondir tel ou tel sujet. « Si cette réforme se révèle n’être qu’une simple mesure financière, ce serait un immense gâchis, prévient Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé des retraites. Tout le monde sait que le système actuel crée des injustices, qu’il favorise les carrières ascendantes et pénalise les salariés précaires, dont une majorité de femmes. C’est pourquoi nous étions favorables à une grande réforme du système. Aujourd’hui, une telle réforme n’est plus d’actualité, mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas agir sur ces inégalités dans le cadre actuel. »

Unité syndicale

1. Les organisations syndicales présentes étaient CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa, FSU et Solidaires, ainsi que les organisations de jeunesseMNL et FIDEL pour les lycéens, FAGE et UNEF pour les étudiants

Pour arriver à faire bouger les lignes, les organisations syndicales jouent la carte de l’unité. Réunies en intersyndicale1lundi soir au siège de l’Unsa, elles ont constaté leur accord sur plusieurs points. Toutes refusent la réforme paramétrique annoncée par le gouvernement. Il est hors de question d’accepter un report de l’âge légal ou une augmentation de la durée de cotisation au-delà de ce qui est déjà prévu par la loi.

L’ensemble des organisations syndicales partagent également l’idée qu’elles doivent se rendre à la concertation. Aucune n’a souhaité adopter la politique de la chaise vide. « Les organisations syndicales souhaitent porter leurs revendications. À la CFDT, nous souhaitons notamment aborder des sujets qui nous tiennent à cœur comme la pénibilité, les carrières longues ou l’emploi des seniors », renchérit Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT, présente lors de l’intersyndicale avec Yvan Ricordeau.

Signe de cette unité syndicale, un texte commun rendu public le 4 octobre reprend cette position commune. Les organisations syndicales ont par ailleurs prévu de se revoir courant octobre. Et d’ici là, elles comptent travailler à des propositions communes à soumettre au gouvernement.

Loyauté et transparence

Dans ce contexte, la réunion de mercredi, qui doit lancer cette concertation, est très attendue. La CFDT souhaite que le gouvernement apporte des clarifications sur ses intentions. S’agit-il seulement d’une réforme paramétrique ? S’agit-il d’équilibrer financièrement le système de retraite ou de dégager des marges de manœuvre pour financer d’autres politiques publiques comme la dépendance ? A-t-il l’intention de s’attaquer aux inégalités du système actuel ? « Une concertation exige loyauté et transparence. Cela nécessite d’expliquer clairement les enjeux, y compris financiers, avant de focaliser le débat sur les remèdes », martèle la CFDT.

À propos de l’auteur Jérôme Citron

rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

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